Nouvelles immolations de Tibétains en Chine (26102012)

Nouvelles immolations de Tibétains en Chine
Des Tibétains s’immolent pour protester contre le régime de Pékin.
C’est devant une caserne militaire de la province chinoise du Gansu que Dorje Rinchen, un Tibétain d’une soixantaine d’années, se serait immolé par le feu mardi. L’homme a succombé à ses blessures peu de temps après, raconte l’ONG « International campaign for Tibet » qui a mis en ligne ces photos qui témoignent de ce geste désespéré pour protester contre le régime de Pékin.

Il s’agit de la deuxième immolation d’un Tibétain en l’espace de deux jours dans la région. La veille, un autre homme d’environ 60 ans s’est en effet suicidé de la même manière devant le monastère de Labrang, qui est considéré comme l’une des plus importantes lamaseries du bouddhisme tibétain.

Ce fameux lieu de culte avait été le théâtre d’importantes manifestations de moines pendant les violentes émeutes anti-chinoises qui avaient secoué le Tibet en 2008, à quelques mois des Jeux Olympiques de Pékin.

Depuis, la répression s’est intensifiée dans la région qui est soumise de fait à la loi martiale, d’après des organisations de Tibétains en exil. L’immolation serait donc devenu l’ultime recours pour protester contre la politique menée par le pouvoir chinois.

Ainsi, selon l’écrivain Woeser qui leur rend hommage sur son blog, une soixantaine de personnes, dont une majorité de moines, se sont suicidés par le feu ou ont tenté de le faire depuis février 2009. Pékin accuse le dalaï-lama d’encourager ces immolations, ce que le chef spirituel tibétain a démenti même s’il affirme comprendre cette forme de protestation désespérée.

http://www.france24.com/fr/20121024-chine-tibet-internet-immolations

Tibet : les immolations par le feu touchent le grand monastère de Labrang
Le Monde.fr | 25.10.2012



Les immolations par le feu de moines se multiplient pour protester contre la politique de Pékin et la domination grandissante des Han. | AFP/Lee Chong-Keun



La recrudescence de cas d'immolations par le feu dans les régions tibétaines de la province chinoise du Gansu, fait l'objet d'une large couverture dans les médias  tibétains en exil qui ont publié des clichés du corps en flammes de Dorje Rinchen. L'organisation International  Campaign for Tibet  (ICT), liée au gouvernement en exil, a mis en ligne de nouvelles photos  (qui peuvent choquer ).

L'homme, âgé de 58 ans, s'est immolé par le feu, mardi 23 octobre, dans la rue principale de Labrang (Xiahe, en chinois), en plein après-midi, non loin d'une caserne de la police  armée  ("wujing"), alors qu'une immolation avait déjà eu lieu la veille, à l'intérieur même du monastère de Labrang (celle de Dhondup , 61 ans, qui selon les mêmes sources, avait l'habitude de vendre  du pain au monastère).
Une troisième personne, un jeune père de famille  de 27 ans, Lhamo Kyab, s'est immolé samedi 17 octobre dans un autre monastère du Gansu, celui de Bora. Aucun des trois n'a survécu à ses brûlures. Après chaque cas d'immolation par le feu – celle de Dorje Rinchen est le 58e acte de protestation de ce type depuis 2009 – les événements s'enchaînent selon les scénarios suivants : les moines ou les Tibétains présents sur place, cherchent d'abord à protéger le corps, soit après l'avoir  emmené à l'hôpital, soit sur le lieu de l'immolation si la personne a déjà succombé à ses blessures.

LES CONNEXIONS SONT CONTRÔLÉES
Quand ils parviennent à intervenir  à temps, les pompiers et la police se chargent du brûlé. Selon des témoins tibétains, cités par les médias tibétains  en exil ou les ONG, ils ont parfois usé de violence et de brutalité.
Si la personne est hospitalisée, sa famille fait souvent l'objet de pressions de la part des autorités, et la personne qui s'est immolée s'expose à des poursuites. Si elle meurt, le corps est rarement restitué à la famille, ou alors, dans une urne, après l'incinération. Dans tous les cas, tout est fait pour que le minimum d'informations filtrent sur l'état du brûlé.

Quand les circonstances le permettent, les témoins de l'immolation ou les moines, transportent le corps soit dans le monastère le plus proche, soit dans la famille du défunt. Des pèlerins et des moines s'y rendent alors pour lui rendre  hommage, et offrent par solidarité de l'argent à la famille, qui a souvent perdu, avec la personne qui s'est immolée, le principal gagne-pain du foyer.
A Labrang, après l'immolation de Dorje Rinchen , le corps a été transporté par un groupe de Tibétains dans son village de Sayi, à deux kilomètres de la ville, mais les moines de Labrang qui ont cherché à se rendre  sur place ont été interceptés. Selon un témoin cité par Phayul , l'agence de presse du gouvernement tibétain en exil, le corps de Dhondup, qui s'est immolé non loin d'un lieu de circonvolution, dans le périmètre du monastère de Labrang, a été protégé par d'autres pèlerins. "Ensuite, le comité d'administration du monastère l'a transporté à l'hôpital, où il a été déclaré mort".

Quand elles existent, les images des immolations sont envoyées en secret à des contacts en exil. L'opération est extrêmement risquée : les connexions sont contrôlées (souvent coupées après les immolations) et les caméras de surveillance sont nombreuses dans les zones d'habitation à proximité des monastères et même à l'intérieur de ceux-ci. Plusieurs Tibétains ont été lourdement condamnés pour avoir  transmis des clichés d'immolations.

L'organisation Reporters sans frontières (RSF) détaille ainsi le cas de l'arrestation de quatre jeunes Tibétains qui ont photographié une immolation  dans le Gansu le 6 octobre, celle de Sangay Gyatso. Un autre cas de condamnation  cette fois est rapportée par l'ONG : il s'agit de quatre autres jeunes Tibétains avec des peines de prison allant de 5 à 12 ans. Les forces armées chinoises en charge de la sécurité dans les régions tibétaines - la police armée - interviennent rarement une fois que des cérémonies funéraires sont en cours : les risques qu'une émeute générale se déclenche sont trop élevés.

"LA CLIQUE DU DALAÏ-LAMA"
En Chine, rien n'a filtré des dernières immolations – ni souvent de celles qui les précèdent. Si l'agence Xinhua (Chine  nouvelle) publie régulièrement des entrefilets très factuels, la très grande majorité des Chinois ne sont pas informés. Lors du point de presse de mercredi 24 octobre, le porte-parole du ministère des affaires étrangères  chinois, Hong Lei , à répété devant la presse étrangère la position officielle de Pékin, qui n'a pas varié d'un iota ces trois dernières années : "A notre connaissance, la plupart des immolations dans les régions tibétaines se font à l'instigation de la clique du dalaï-lama [l'expression consacrée pour désigner en Chine le chef spirituel tibétain et ses partisans]".

M. Hong a ajouté que "dans le but de mener  à bien ses visées séparatistes, la clique du dalaï-lama a incité certaines personnes à s'immoler . Ceci est méprisable et doit être condamné". Pour justifier  ses accusations, la Chine fait valoir  la couverture qu'elle juge "sensationnelle" des immolations par les médias tibétains en exil, et prétend que les cérémonies et les hommages rendus à Dharamsala pour les immolés incitent au martyr.
L'administration tibétaine en exil en Inde a plusieurs fois demandé par la voix du premier ministre Logsang Sangay , que les Tibétains de Chine cessent d'attenter  à leur vie. Ce qui ne l'empêche pas d'organiser  des sessions de prières et d'hommages pour ceux qui se sont immolés, comme celle qui a eu lieu, mercredi 24 octobre, à Dharamsala, en Inde  (l'agence Phayul en donne le compte rendu ).

"Nous avons découragé les actions extrêmes, et notamment les immolations par le feu, mais malheureusement les Tibétains [de Chine] semblent nous dire  que c'est la seule forme  de protestation qui leur reste, car les conséquences sont identiques – [en cas de protestation], vous êtes arrêté, torturé, et le plus souvent vous  perdez la vie", a déclaré à cette occasion le premier ministre tibétain en exil devant les journalistes locaux.


Brice Pedroletti


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